Tête haute, port altier, Louis avance dignement vers sa mère. Il est haut comme trois pommes et est particulièrement fier de se montrer dans ses nouveaux vêtements de cavalier. C'est la première fois qu'il va monter, un poney pour commencer, mais il attend ce moment depuis la première fois où il a vu sa soeur sur un cheval, il ne savait même pas encore parler correctement, mais il a su très clairement se faire comprendre. D'ailleurs le mot cheval est l'un des premiers mots qu'il a prononcé correctement, pourtant c'est loin d'être un mot facile pour un enfant qui commence tout juste à parler. « Louis, que tu es beau comme ça ! Tu fais un très fier cavalier. » Intérieurement, le petit garçon est carrément surexcité à l'idée d'enfin monter sur son poney, mais la bienséance qui lui est imposée depuis sa naissance, dû à son statut social d'hériter d'une famille noble, ne lui permet pas d'exprimer sa joie autrement que de manière très civilisée et courtoise, sans débordement, ce ne serait pas digne de son rang et de son nom. « Merci mère. » Louis esquisse un sourire. Il aimerait bien laisser un bisou sur la joue de sa maman comme il a vu faire parfois d'autres enfants dans la rue, mais chez les d'Abancourt, tout est toujours tout en retenue. Pas de marque d'affection trop visible, pas de mot d'amour. Montrer ses sentiments c'est montrer ses faiblesses, et il n'y a pas de faible chez les d'Abancourt.

Première véritable compétition pour Louis, qui, s'il est quelque peu angoissé, ne le montre pas, mais est surtout surexcité et pressé de montrer ce qu'il sait faire. Dès qu'il a su maitriser convenablement sa monture, le jeune français a su qu'il voulait faire du saut d'obstacles et c'est dans ce domaine qu'il compte bien exceller aujourd'hui. « Allez petit frère, on est avec toi. Tu seras le meilleur. » Le jeune cavalier lève le menton vers sa soeur aînée, laissant apparaître sur son visage enfantin un sourire narquois. « Évidemment que je serais le meilleur Lison, personne n'est meilleur que moi. » Le soupire que laisse échapper la pré adolescente, montre clairement son exaspération devant la prétention de son cadet. C'est vrai qu'ils sont habitués à se montrer toujours comme étant en haut de l'échelle, oui, leurs parents les ont élevés avec une haute estime d'eux-mêmes, cela n'empêche pas la jeune fille d'être impressionnée par le charisme, l'arrogance et l'air hautain que son petit frère est capable de prendre. « Félicitations Louis, nous sommes fiers de toi, tu es arrivé premier. » Sa mère parle pour toute la famille, tandis que Louis, lui apprécie l'attention portée sur lui par les gens du concours, son trophée entre les mains. « C'est normal mère. Je ne comptais pas arriver à une autre place, puisque je suis le meilleur. » Louis affiche un air parfaitement détaché de tout ce qui se passe. Il ne l'est pas complètement, il est très heureux d'avoir toute l'attention sur lui, mais il l'exprime avec sobriété et maitrise.

Devant l'envie et surtout l'excellence de Louis pour son sport, très rapidement, il entre en sport étude - option équestre. Le jeune d'Abancourt s'illustre et brille dans son domaine comme dans les matières générales. C'est un fait, il a un constant besoin d'être le premier. Pourtant, il est bien loin d'être une personne appréciée au sein de son école. « D'Abancourt, t'es vraiment qu'un putain de prétentieux. T'es con et arrogant. Redescends sur Terre un peu. » Le regard de Louis devient soudainement noir, cela l'insupporte qu'on lui parle de cette manière, surtout en utilisant un langage si vulgaire, et comme il n'est pas du genre à s'écraser, bien au contraire, il serait même plus à écraser les autres, il ne s'empêche pas de répondre au garçon de sa classe qui vient de lui faire cette remarque désobligeante. « Louis ne te permet pas de lui parler sur ce ton. Il ne te permet pas de lui parler tout court. Tu te prends pour qui pour oser lui adresser la parole ? Il se fiche pas mal de ton cas, tu n'es qu'un jaloux. » Son ton n'est absolument pas empreint de colère, aucune agressivité, ses mots sont froids, faits de glace, tout comme son regard posé sur l'autre, c'est limite ce qui est le plus effrayant, il ne laisse passer aucune émotion. « J'y crois pas mec, tu parles de toi à la troisième personne. Mais d'où tu sors ? » Le jeune homme avance de quelques pas vers son interlocuteur, pour lui faire face à présent, plus qu'à quelques millimètres l'un de l'autre. Il le dépasse de plusieurs bons centimètres et Louis en profite pleinement pour intimider le garçon un peu plus encore. Il baisse encore le ton de sa voix, pas le volume, qui reste moyen et assez monocorde. « Il parle de lui comme il le désire, cela ne te regarde pas. Tu n'as plus intérêt à lui adresser encore une fois la parole, bien compris. » Le dernier rapprochement, le fait de le dominer, par la présence, par la voix, l'autre abdique et ne dira plus jamais rien, tout du moins plus directement à Louis d'Abancourt. Le cavalier intimide, le cavalier fait peur, son flegme intrigue.

Des cris résonnent dans le manoir d'Abancourt. Louis est sagement dans sa chambre en train d'étudier pour ses prochains contrôles et s'énerve de ne pouvoir être dans le calme. Les disputes ne sont pas rares dans la famille, mais généralement ça ne hurle pas de cette manière, alors intrigué et surtout pressé de faire cesser se vacarme afin de pouvoir reprendre ses devoirs sereinement, il décide de descendre au grand salon. « Louis aimerait travailler dans le calme. Ce serait trop vous demander que de baisser d'un ton ! » Tout le monde se fige. Oui, il a le dont de faire cet effet-là. Sa soeur lui explique qu'elle vient d'annoncer à leurs parents qu'elle ne souhaite plus concourir, que l'équitation, pour elle, ce n'est qu'un passe-temps. Le jeune homme n'est qu'à moitié étonné, car malgré son sale caractère, il s'entend plutôt bien avec Lison et la jeune fille lui avait déjà avoué se poser des questions sur sa carrière. « C'est parfaitement stupide Lison, tu ne peux pas faire ça. » L'aînée d'Abancourt bout de l'intérieur, frustrée de voir sa mère ne pas vouloir comprendre son point de vue. « Je ne suis pas aussi douée que Louis pour ça, je ne ramène pas de trophée et à vrai dire, le fait d'être obligée, je ne prends même plus plaisir à monter. Mère, s'il vous plaît. » Louis soupire d'exaspération devant l'altercation entre les deux femmes de sa vie et décide contre toute attente de donner son avis. « Vous ne pouvez pas éventuellement trouver un compromis ? Lison resterait dans l'équitation pour vous faire plaisir, mais à un poste qui lui permettrait de ne pas se sentir brimée ou forcée ? » La demoiselle hoche vivement la tête, semblant ravie à l'idée de faire un compromis, ce sera toujours mieux que de continuer à faire quelque chose pour laquelle elle n'est pas plus douée que cela et qui ne lui plaît plus. « Lison, tu pourrais devenir le coach et manager de ton frère alors. » Lison reste sceptique et sa première réaction et de jeter un coup d'oeil vers Louis pour avoir son avis. « Excellente idée. Louis approuve. » Un sourire sincère illumine son image en répondant à sa grande soeur. Puis sans autre cérémonie, il retourne simplement à sa chambre.

Journée d'entrainement intensive, préparation aux championnats du monde qui se dérouleront deux semaines plus tard. Depuis presque dix ans maintenant, il est diplômé de son école privée, en sport-étude. Il est un jockey professionnel, s'illustrant dans le saut d'obstacles. C'est d'ailleurs le cas depuis tout gamin, mais avec ce diplôme obtenu avec une mention très bien, c'est encore plus jouissif pour lui. Et il n'arrête pas de le balancer dans la figure à qui veut bien l'entendre. Louis est un passionné, il se donne corps et âme dans son sport, qui lui prend la grande majorité de son temps. Évidemment, Louis reste un jeune homme qui a besoin de sortir et s'amuser. Et si les boîtes de nuit ne lui correspondent pas trop, il n'en reste pas moins un sacré fêtard quand il se rend en soirée chez des amis et un sacré dragueur aussi. N'ayant que les chevaux pour passion, sa carrière comme but dans la vie, il ne tient pas à s'encombrer d'une compagne et préfère largement sa vie de célibataire, il peut ainsi se concentrer sur ses compétitions. « Louis, vas-y doucement, c'est un échauffement là, tu n'es pas en compétition. » Plus entêté qu'une mule, le cavalier n'en fait qu'à sa tête et pousse encore un peu plus sa monture. Louis enchaine les obstacles avec une relative facilité et décide de passer à la vitesse supérieure en demandant à Lison d'ajouter la troisième barre au dernier obstacle du parcours. La jeune femme s'exécute ne voulant pas mettre en colère son cadet, bien qu'elle pense qu'il n'a pas assez échauffé son cheval. « Lison ne t'en fait pas, Lamu est suffisamment échauffée et prête pour le tenter. Elle connait le parcours, il n'y aura pas de problème, comme toujours. » Lison redoute depuis toujours que le trop-plein de confiance de son frère lui soit un jour fatal, aujourd'hui est le jour qu'elle redoutait tant. Louis fait le parcours sans embûche, fier de lui et de sa fidèle jument, il la lance pour le dernier obstacle. Ils chutent. Le jeune homme perd connaissance et ne se réveil qu'une semaine plus tard à la clinique de la Muette dans le XVIe arrondissement de Paris.

« Monsieur d'Abancourt, calmez-vous, ce n'est pas de ma faute si vous êtes ici. » Louis ôte avec agressivité la main de l'infirmière qui s'est posée avec empathie, sur son épaule. Il ne supporte pas ce contact qu'il estime un peu trop condescendant à son goût. « Monsieur d'Abancourt ne vous permet pas de lui dire ce qu'il a à faire ou non. Il ne se calmera que s'il le veut bien. » Son ton est glacial, son regard noir et le volume sonore de sa voix à légèrement augmenté. Il est en colère, probablement plus contre lui-même que contre cette pauvre femme qui n'a rien demandé, mais ça, Louis ne l'admettra jamais, plutôt mourir. Ce qu'il n'arrête pas de répéter depuis qu'il a pris conscience de son état. « Louis veut rentrer chez lui. AUJOURD'HUI ! » Une fois n'est pas coutume, le jeune homme se met à hurler sur toutes les personnes présentes. Plus les jours passent et pire son caractère déjà pas facile, devient. Il signe une décharge, il se fiche de l'avis des médecins comme de celui de sa famille, lui il veut rentrer, il veut retrouver Lamu, qui si elle aussi a subi quelques traumatismes dus à leur chute, s'en sort bien mieux que son propriétaire. « Même si tu rentres Louis, il n'y a rien qui est encore adapté pour toi pour le moment et de toute façon, tu ne pourras pas remonter Lamu pour le moment. Le médecin t'a dit qu'il y a très peu de chance que tu remarches. » Louis serre les poings à s'en faire blanchir les jointures, il fulmine, il ne veut pas accepter l'inéluctable vérité. « Foutaise ! Louis peut le faire. » Le jeune homme prend ses jambes et les déplace sur le côté de lit, pour se retrouver assis sur le bord. Bien trop entêté, il prend appui sur le bord du lit avec ses paumes et tente de se mettre debout sur ses pieds. Comme c'était à prévoir, il s'écroule au sol. Rouge de colère et surtout de frustration, il esquive le regard de sa soeur, de ses parents et de l'infirmière. « Dégagez tous de la chambre. Il ne veut voir personne. Il veut être seul. » Tous lui obéissent, comme souvent lorsqu'il a ce genre de saute d'humeur. Les mois passent et pire le quotidien de ses proches devient. Louis est odieux avec tout le monde, même avec Lison qu'il a pourtant toujours respectée, c'est bien l'une des seules, peut-être avec Lola aussi, l'une de ses cousines. N'en pouvant plus de cette situation, et Louis continuant d'être dans le déni total de son handicap Lison décide de l'éloigner de son quotidien et surtout de donner un peu de répits et de vacances à tout leur entourage, en emmenant son petit frère en vacances en Australie, pays qu'elle sait qu'il apprécie. C'est ainsi qu'accompagné de leur cousine Lola, ce qu'elle espère apaisera Louis, ils partent tous les trois pour le Coral Bay Resort, pour une durée pour le moment encore indéterminée. Cela dépendra de l'évolution de Louis. « Louis n'a pas besoin de vacances. » Il rouspète encore dans l'avion. Sans doute plus par principe que parce qu'il est réellement contre. « Samus ! Mais c'est quoi ce prénom pourri. Il sort d'où ? » Pas loin d'une trentaine d'heures plus tard, il arrive et se fait accueillir par une ravissante jeune femme brune, de grand yeux verts pétillants et un sourire qui devrait être communicatif enfin sur toute autre personne que Louis d'Abancourt, qui ne peut bien évidemment pas s'empêcher de tacler la demoiselle sur son prénom et d'en rire. Bienvenue au Coral Bay Resort. Et surtout bonne chance à tout le staff de ce complexe hôtelier pour supporter ce nouvel arrivant ingérable.