« Ben lève toi allez ! » Je grogne et me terre un peu plus sous mon drap. « Ben ! » J'agrippe le tissu à deux mains pour l'empêcher de le retirer. J'veux pas le voir, j'veux voir personne. Il se tait et relâche ma couverture, mais il reste là, debout au pied de mon lit. Soupirant, il finit par s'asseoir sur le matelas et je me sens obliger de parler. « Sort, j'me lèverais pas. » Je l'imagine, passant sa main dans ses cheveux en arborant une moue agacée. Il ressemble tellement à papa quand il fait ça que s'en est insupportable. « Il aurait voulu que tu sois là. » Je me crispe, sers les dents et les poings, mais il a gagné, je ne peux pas rester sous ma couette à m'apitoyer avec ce qu'il vient de me dire. Alors je me redresse d'un coup et lui lance un regard furieux. « Qu'est-ce que t'en sais d'abord ? » J'ai envie de le frapper, de lui hurler dessus, mais ma colère retombe d'un coup face à ses yeux rouge d'avoir pleuré. Mon cœur se serre. Je me laisse alors retomber sur mon matelas et remonte ma couette au-dessus de ma tête. « Laisse-moi s'il te plaît. » Cette fois, il se lève et quitte la pièce. Je l'entends descendre au rez-de-chaussée et parler avec les parents, j'entends maman pleurer. Je ferme les yeux et tâche de les oublier. « Ben ? » Je rouvre les yeux, je crois que je me suis endormi. « Ben ? » Non ! Non pas elle, elle ne devrait pas être là, elle n'a rien à faire là. Pourtant ... Elle écarte la couverture couvrant mon visage et ses grands yeux clairs rencontre les miens. « Ben, tu inquiètes tout le monde, je sais que tu es triste, mais tu ne peux pas rester comme ça. Lève-toi, viens avec nous lui dire au revoir. » Je me sens comme un gamin. Je me dis que, si je ne vais pas lui dire au revoir alors que peut être tout redeviendra comme avant, peut être qu'il sera de nouveau à mes côtés et puis ... Je réalise que j'aurais beau pensé tout ce que je veux il ne reviendra pas. Jamais. Alors je baisse les bras, je capitule et j'obéis. Je quitte mon lit pour aller, me doucher et me préparer.

Elle a sa main dans la mienne, il a son bras passé autour de mes épaules, il a sa main dans mon dos, ils sont là, tous les trois, mais le manque est cruel, car lui n'est pas là. Je regarde ce cercueil dans lequel il est allongé et je le maudis lui et le chauffard qui a percuté sa voiture. Il m'avait promis qu'il n'irait pas à cette stupide fête chez son ex, mais il n'a pas tenu, il l'aimait trop pour tirer un trait sur elle. Je la maudis aussi cette fille, dès le jour où il a commencé à sortir avec elle, j'ai su qu'elle lui ferait du mal. Elle ne s'intéressait qu'à l'argent de notre famille et aux cadeaux qu'il lui faisait avec. Sale petite ... Un coup de coude me tire de mes pensées et je réalise que, tout à ma colère, j'ai serré le poing et je suis en train de lui écraser les doigts. « Pardon. » Lâchant prise, je passe mon bras autour de ses épaules et regarde le cercueil descendre en terre. C'est une part de moi qu'on enterre, ma moitié, ma chair, mon sang, mon frère ... Mon jumeau.


« T'es prêt ? » Finissant de boucler ma valise, je me tourne vers mon frère et souris. Pour toute réponse, je passe la bretelle de mon sac à mon épaule et m'avance vers lui. Il me rend mon sourire et descend au rez de chausser ou nos parents nous attendent. Maman nous serre dans ses bras en pleurant alors on tache, comme on peut, de la consoler. Papa lui n'a pas l'air de se réjouir, mais c'est compréhensible. Mon frère a décidé de m'accompagner dans mon voyage autour du monde plutôt que de reprendre l'entreprise familiale, forcément ça déplaît à notre géniteur. Ça n'empêche pas mon aîné d'avoir été nommé codirecteur des usines Grimm, après tout les téléphones et les ordinateurs ça existe, il pourra toujours gérer les choses à distance. Enfin. Il est temps d'écourter nos au revoir, notre avion part bientôt et les autres nous attendent déjà à l'aéroport. Les autres ? Mes meilleurs amis. Ils ont, comme mon frère, choisi de me suivre dans mon voyage. Chargeant mon sac dans le coffre de la voiture, je monte côté passager et observe une nouvelle fois notre itinéraire. Première destination Paris, Londres, Barcelone, Madrid, Rome, Amsterdam, puis Athènes. Ensuite, les pays d'Orient, l'Afrique, l'Amérique du Nord au Sud et puis l'Australie pour finir. Un beau programme en perspective non ? Le but de  ce voyage n'est pas que de découvrir le monde, mais aussi de réaliser mon book photo. Je veux réaliser des prises des plus beaux endroits existants, mais aussi des personnes que je croiserais en chemin. Mon frère étant en train de garer la voiture, je referme mon cahier et le glisse dans mon sac à dos. « C'est parti pour l'aventure. » Son sourire est contagieux. Rejoignant mes amis dans le terminal, on ne tarde pas à prendre place dans notre avion. Deux ans, c'est, a priori, la durée de notre voyage autour du monde. Deux ans loin de chez nous.


« C'était notre dernière destination. C'est quoi le plan à présent ? » Me laissant tomber sur le lit de la chambre d'hôtel, je ferme les yeux et savoure la paix ambiante avant de me manger un oreiller en pleine figure. « J'te parle Ben ! » Relevant la tête, je l'observe en souriant. Les poings sur les hanches, elle arbore cette moue boudeuse que j'adore, je ne résiste pas et la prends en photo. Elle éclate de rire. Nouvelle photo. « Arrête ! » Se jetant sur moi, elle m'arrache mon appareil pour le poser sur la table de nuit et se met à me chatouiller à mort. Seulement ça ne dure pas longtemps la porte de ma chambre s'ouvrant sur les garçons. Ils nous lancent un regard curieux. « Elle voulait connaître la suite du programme. » Je ne sais pas pourquoi je me sens obligé de justifier sa présence dans ma chambre, après tout, je fais ce que je veux. Enfin ... Mon frère hausse les sourcils, visiblement curieux. « Et alors ? C'est quoi la suite ? » Visiblement, ils attendent tous les trois que je décide. Mon frère, mon meilleur ami et ma meilleure amie. Ça fait deux ans qu'on voyage ensemble. Deux années magiques. « Je ne sais pas trop. Je pensais rester un peu par ici ... Peut-être un an ou deux si le coin me plaît vraiment. » Visiblement, l'idée ne plaît pas à mon aîné. Je crois qu'il m'en veut de ne pas avoir parlé de ça avec lui plutôt, maintenant, je le mets devant le fait accompli. Je lui adresse un petit sourire d'excuse et me promets d'avoir une discutions à ce sujet avec lui.